Gugney

Vue aérienne sur le village, l’extrémité de la côte de Moselle, le Mont Curel et, à l’horizon les Monts Faucilles (Limite de partage des eaux Méditerranée / Mer du Nord) entre les vallées du Madon/Moselle/Rhin et vallées de la Saône/Rhône

La commune

https://fr.wikipedia.org/wiki/Gugney

Le village

L’église St Martin

L’ancien abreuvoir

L’enceinte de l’oppidum gaulois de l’âge du bronze et son vase rarissime

Ce vase est habituellement conservé dans les réserves du musée lorrain à Nancy. Il est en pierre polie de composition rocheuse et fut exposé à Vaudémont le 12 octobre 2019 grâce au Comité d’Histoire Régionale et à l’association des Randonneurs du Saintois. Il s’agit d’une pièce rarissime taillée dans la roche à l’époque préhistorique. Cette exposition a permis de procéder à de nouvelles recherches et analyses scientifiques, et de recueillir des témoignages issus de la mémoire orale du Saintois sur ces fouilles archéologiques réalisées au début du XXème siècle. Le site de découverte occupe la partie la plus resserrée d’un plateau difficile d’accès, dite « La Côte ». À cet endroit, Jules Beaupré trouva, en 1909, une niche qui révéla deux vases brisés intentionnellement : un vase en terre cuite commun et, à l’inverse, un vase de composition rocheuse très rare en Lorraine.

Extrait de l’article de Sophie Galland paru dans le Pays lorrain le 8 juin 2021

https://hal.science/hal-03229970/document

Voisines, les communes de Gugney-sous-Vaudémont et Saxon-Sion sont toutes deux installées, en hauteur, sur deux promontoires distincts. Sur le territoire de la première commune, la colline est protégée par un retranchement rectiligne situé dans sa partie la plus étroite : « À l’extrémité sud du plateau (…), éperon étroit coupé par un retranchement rectiligne sans fossé, de 2 mètres de hauteur » (Barthélemy in : Beaupré 1897, p. 71). Sur la colline du territoire de la seconde commune ont été recueillis de nombreux artéfacts attestant d’une très longue occupation : « À l’extrémité septentrionale du plateau, autour de l’église de Notre-Dame de Sion, dont le culte paraît avoir succédé à celui de la divinité gauloise Rosmerta, on trouve des silex taillés, des haches polies (…). Il y avait à cet endroit une enceinte datant sans doute des temps préhistoriques. C’est là que fut construite la ville gallo-romaine (…) » (Beaupré 1897, p. 129). De multiples objets témoignent d’une occupation dès le Néolithique, entre Vaudémont et Saxon-Sion. Mais ce qui intéresse dans un premier temps les archéologues au XIX°S et au début du XX°S siècle, ce n’est pas le Néolithique. J. Beaupré décide en effet de programmer une campagne de fouilles sur la colline de Gugney-sous-Vaudémont en 1908, dans le secteur du retranchement, en souhaitant d’abord recueillir des informations au sujet d’une épée de l’âge du Bronze, découverte en 1850, à proximité du site. Mais cette fouille ne donne rien. J. Beaupré persévère et organise une seconde opération en 1909.

Il fait alors une découverte inattendue, s’agissant d’une tombe en « caisson long de 1,50 m sur 0,80 m de large, formé de pierres plates posées de champ ; le fond était pavé de petites dalles plates, de la longueur de la main. Deux grandes pierres, également plates, recouvraient le tout » (Beaupré 1910, p. 93). À l’intérieur, « il y avait deux corps, (…). Couchés l’un sur le côté gauche, l’autre sur le côté droit, les morts avaient les genoux et les avant-bras ramenés sous le menton, la tête au nord, les pieds au sud » (id.). J. Beaupré mentionne également le reste d’un foyer, et puis, au niveau d’une extrémité du caisson, une sorte de niche à l’intérieur de laquelle sont déposés deux vases, « un vase en terre, à anses perforées » et « un vase en pierre polie », une serpentinite (roche cousine du jade). J. Beaupré reconnaît immédiatement l’importance du vase, pensant qu’il s’agit « d’un exemplaire unique en ce qui concerne la Gaule et les pays septentrionaux » (Beaupré 1909, 1910)…. Il s’agirait d’un type de vase venu d’Égypte, « où l’on en fabriquait pendant les premières dynasties » au troisième millénaire avant Jésus-Christ. En 1909, l’auteur suppose qu’il s’agit « une imitation ou [d’]une importation d’un produit d’origine lointaine » (Beaupré 1909, p. 445). En 1910, J. Beaupré publie les résultats de la fouille dans le Bulletin de la Société préhistorique de France, ainsi que dans L’Anthropologie. Le vase est également présenté au Comité national des travaux historiques et scientifiques, dans la section d’archéologie, puis dans un article du Journal des débats politiques et littéraires.

La même année, Joseph Déchelette présente à son tour le vase dans un chapitre qu’il intitule : « Extrême rareté des vases en pierre ». L’auteur amène quelques précisions, notamment sur l’usage de vases en roches dures (diorites, porphyres) accompagnant les rois de la Ire dynastie dans l’Égypte ancienne, une pratique qui disparaîtra totalement avec la XVIIIe dynastie. Il conclut sur le fait qu’aucun autre récipient en pierre n’a été signalé en Gaule à sa connaissance, hormis quelques vases en pierre ollaire appartenant à une phase encore mal définie. Au moment de sa découverte, le vase sollicite la contribution des plus grandes personnalités de la communauté scientifique. En 1992, l’Encyclopédie illustrée de la Lorraine consacre une mention et une illustration du vase classé parmi les cinquante-cinq œuvres majeures du Musée lorrain.

À la fin des années 1990, près d’un siècle après la fouille de J. Beaupré, une intervention archéologique sur le retranchement de Gugney-sous-Vaudémont est entreprise sous la direction de l’archéologue-conservateur Laurent Olivier (Olivier 2002) pour préciser le contexte de fouille des épées de l’âge du Bronze découvertes entre 1850 et 1918. Une tranchée est alors réalisée à travers l’enceinte pour en étudier sa stratigraphie. L Olivier observe ainsi quatre phases d’aménagements dont la seconde a pu être estimée entre – 3030 et – 2950, soit, de la fin du Néolithique récent ou du début du Néolithique final. Grâce à ce résultat, on peut affirmer que la première phase d’édification de l’enceinte est antérieure à cette date : elle est bien du Néolithique récent. Un siècle après sa découverte, le vase de Gugney-sous-Vaudémont reste une pièce exceptionnelle, dans un contexte très particulier. Le vase triconique à fond plat en céramique ne l’est pas moins, car ce modèle est rare (Laurelut 1989, p. 134) et attribué à une origine septentrionale éloignée (Lefranc, Félieu 2015, p. 428). La forme du vase à profil segmenté (vase en serpentinite) est plus fréquente au niveau de la grande région. Mais ce sont des vases en terre cuite. La présence de jadéite dans une tombe est considérée comme un fait « hors du commun » car peu de personnages sont enterrés avec des jades. Il s’agit d’ailleurs exclusivement de haches ou de bracelets (Pétrequin et al. 2017, p. 22). Au moment de la fouille, J. Beaupré avait observé deux choses : un petit foyer dans la tombe, et le vase en pierre qui était, selon lui, cassé en deux intentionnellement (Beaupré 1909, p. 444). Ces observations, outre la singularité des vases, évoquent à la fois un dépôt funéraire et un rituel sacré. Nous pensons à un banquet de funérailles ou/et à un viatique pour accompagner les défunts dans l’au-delà. Pour pousser la symbolique plus loin, oserions-nous avancer que, s’il est admis que la hache en jade soit un attribut de virilité masculin, le vase en serpentine, dans ce cas, ne pourrait-il pas représenter celui de la féminité

Print Friendly, PDF & Email