Vincey, ville-usine du textile, de la métallurgie et de la production électrique

Extrait de l’ouvrage de Roland Conilleau ; Editions G Louis)

La commune

Le village

https://fr.wikipedia.org/wiki/Vincey

Le long de la piste cyclable : La gare SNCF de Vincey située sur la commune de Portieux

https://www.oui.sncf/train/horaires/nancy/remiremont

Le totem d’information touristique

Paysage et patrimoine aux abords de l’écluse N°28

Diversité industrielle et résidentielle (1890-1969)

(Source Simon Edelblutte)

Vincey est concernée par 3 usines, plusieurs cités ouvrières et de cadres comme à Nomexy et Thaon mais ces usines sont très différentes les unes des autres :

  1. 1890 : L’usine textile dénommée «la Société Cotonnière de l’Est » date de 1890. Elle est bâtie en briques rouges. Elle est située au bord du canal, le long de la piste cyclable entre les écluses N° 28 et 29. Reprise par Boussac en 1937, elle a fermé en 1981.
  2. 1912 : L’ancienne centrale électrique de la Compagnie Lorraine d’Electricité est construite en 1912,  fonctionnelle jusqu’en 1967, détruite en 1976 et désormais remplacée par un poste EDF à haute tension.
  3. 1916 : L’usine métallurgique « Les Tubes de Vincey » est édifiée en 1916. La partie laminoir a été rasée en 1990 mais la partie métallurgie est non seulement toujours en activité mais impliquée dans la réalisation d’un projet de transport urbain très innovant,  Urbanloop, conçu par l’université de Nancy-ARTEM.

Ces 3 usines ont motivé la réalisation de cités ouvrières et cités-jardins dont les logements ont des caractéristiques architecturales très diverses et qui sont relativement éloignées du cœur du village ancien.

http://rpn.univ-lorraine.fr/UOH/LEPALOR/co/c_12_a_09.html

1 La filature « Société Cotonnière de l’Est », créée en 1892, reprise en 1937 par Marcel Boussac ; fermée en 1981

https://galeries.limedia.fr/expositions/lindustrie-textile-dans-les-vosges/p4

La première des usines (la plus ancienne, surtout la plus étonnante et la plus visible depuis la piste cyclable) est la filature dénommée « Société Cotonnière de l’Est ». Elle fut créée en 1892 sur un terrain acheté en 1890 à la commune de Portieux.

Selon Simon Edelbutte, dans la vallée de la Moselle, les usines textiles ont le plus souvent des toits à sheds. Celle de Vincey bénéficie d’une architecture étonnante. Cette usine ressemble plus à un château-fort médiéval qu’à un établissement textile ! Edifiée sur trois étages, elle est composée de deux gros bâtiments rectangulaires aux toits plats qui sont construits à quelques années d’intervalle ; le plus récent est un tissage, le plus ancien une filature. L’usine comporte deux tours : l’une est crénelée, l’autre « donjon » de ce château industriel, porte une horloge, et ressemble un peu au beffroi d’une ville flamande. Cet extraordinaire bâtiment de briques rouges, très différent des autres usines textiles, est éclairé par de vastes fenêtres.

Cette singularité d’une usine  « à l’anglaise » est due à la nationalité des architectes qui l’ont construite ; en effet, la Société Cotonnière de l’Est est contrôlée par des intérêts anglais qui ont voulu que l’édifice construit rappelle les usines de leur pays : usine à étages voulant magnifier la puissance industrielle. Les bâtiments sont l’œuvre du bureau d’architecture Potts Son et Pickup de Manchester. Commencée en 1890, par l’entreprise Tschupp et Brueder d’Epinal, il s’agit, selon JP Doyen « d’un des fleurons de ce triomphalisme industriel qui transforme l’usine en château-fort avec tours, créneaux, mâchicoulis », et avec une structure à étages, la tour servant de pivot à l’ensemble

L’usine est rachetée par Boussac en 1937. Elle ferme en 1981 mais son architecture particulière lui vaut d’être inscrite à l’inventaire des monuments historiques.

L’usine abrite aujourd’hui des activités très hétérogènes (patchwork classique dans les anciennes usines : mélange de petites activités et de friches qui rendent quasi impossible la reconversion. Cinq entreprises allant du négociant en boissons à l’entreprise de maçonnerie en passant par l’agence de publicité se partagent un des deux bâtiments principaux de l’usine. L’autre n’est pas encore réutilisé après plus de 20 ans de fermeture, tandis que les bâtiments annexes abritent d’autres activités ; la plus originale étant le musée « d’art » militaire qui rassemble véhicules, armes et uniformes de la seconde guerre mondiale principalement.

Selon l’ancien maire de Vincey les briques rouges ont été  fabriquées sur place, dans des fours installés en bordure de la forêt de Vincey, à quelques centaines de mètres du village. Comme les autres usines installées à proximité, la grande filature de Vincey-Portieux disposait de son propre port.

(Ci-dessous extrait de la thèse de Simon Edelblutte 1997)

Exemple de 2 usines de même époque en Angleterre (Source Simon Edelblutte HDR)

En faillite après les grèves de 1936, l’usine de Vincey fut reprise en 1937 par Marcel Boussac. Elle devient le Comptoir de l’Industrie Cotonnière (CIC) en association avec la BTT de Thaon et la Banque de France. L’usine ferme définitivement en 1981.

http://la-lorraine-se-devoile.blogspot.com/2008/09/ancienne-usine-de-vincey-vosges.html

Cités de la filature de la Sté Cotonnière de l’Est

(Source Simon Edelblutte)

Comme les autres « village-usine » de la vallée, cette usine est à l’origine de la construction de cités et d’une crèche, sur le territoire de Vincey.

Dès l’arrivée de la S.C.E., deux rangées de cités ouvrières s’installent près de l’usine dans la plaine, complètement à l’écart du village qui est perché sur le rebord de la terrasse alluviale. (Rue des tisserands)

Ces deux rangées, parallèles à la R.N.57, sont composées de cités à un étage presque toutes identiques comprenant deux maisons accolées qui abritent de un à deux logements et des jardins, allongés perpendiculairement à la rue qui séparent les deux rangées et accentuent le caractère monotone de ce nouveau paysage.

Une troisième rangée leur fut ajoutée en 1937 lors de l’acquisition de l’usine par Boussac. Bien qu’un peu plus petites que les cités des deux rangées précédentes, elles leur ressemblent néanmoins beaucoup et forment une troisième ligne parallèle aux deux premières. Les mêmes jardins s’égrènent de façon monotone derrière les maisons.

Le quartier des cités de la filature, accolé à l’usine et donc détaché du village, finit par faire naître, au point d’intersection entre le R.N.57 et la D.36a conduisant au village, un petit quartier commerçant desservant les habitants des cités. Cet ensemble constitue un véritable deuxième centre villageois qui relaie le centre ancien situé dans le noyau originel trop éloigné et trop détaché de la nouvelle extension.

Ces dernières années la commune développe une politique municipale de réhabilitation de quartier :

– règles pour les entourages, les couleurs

– réfection de la voirie

– rachat de certaines cités qui sont alors réhabilitées et louées…

L’ancienne crèche de la filature

Le développement économique des années 1950 et 1960 motive ensuite la construction de nouveaux bâtiments destinés aux employés de l’usine Boussac. Cette fois, l’uniformité des cités de la première moitié du siècle cède la place à l’uniformité de deux immeubles collectifs au toit à deux pans, abritant chacun 8 logements. Construits en 1956 à l’extrémité nord-ouest des trois rangées de cités, ils sont rejoints par un immeuble du même type en 1969. C’est à la fois la dernière construction Boussac et la dernière construction liée à l’industrie à Vincey.  

Paysage et patrimoine aux abords de l’écluse N° 29

(Source Simon Edelblutte)

La ZAC du Pâtis des Saules (3 ha) et l’entreprise Vosges Charpentes

(Vue depuis la piste cyclable)

Les anciens quais de déchargement du charbon à l’écluse N°29 

Au niveau de l’écluse N°29, Les cyclistes peuvent apercevoir, le long de la piste cyclable, les vestiges d’un ancien réseau ferré et d’une vaste emprise industrielle, en partie vide, avec des traces de bâtiments anciens auprès d’un hangar fonctionnaliste moderne (dernière génération de bâtiment industriel) ainsi qu’une forêt de pylônes qui signale un poste de transformation électrique.

Ce sont deux implantations industrielles atypiques dans la vallée, car elles ne sont pas textiles et sont plus récentes que le textile : ce sont les « reliques » d’une usine sidérurgique (depuis 1916) et d’une centrale électrique thermique au charbon (1912 – 1976)

Le site les a attirés, car, c’est le premier endroit en venant du Nord où la voie ferrée et le canal sont couplés. (Source Simon Edelblutte)

2 L’ancienne centrale électrique et sa Cité situées, à proximité, de part et d’autre du canal

La centrale électrique de Vincey (Compagnie Générale d’Électricité) est construite à partir de 1912 et démarre en avril 1915. Elle abritait 8 grosses chaudières (puis 16 en 1918) produisant, grâce au charbon, la vapeur nécessaire au fonctionnement de groupes turboalternateurs. C’était la plus importante centrale électrique de Lorraine. En 1952 la centrale compte plus de 200 agents dont plusieurs sont logés dans la cité à proximité. Elle est démantelée en 1974/1976, totalement rasée et remplacée par un poste de transformation, de distribution et d’entretien des réseaux HTb (construit en 1994) qui maintient une vingtaine d’emplois en charge de la distribution électrique dans les Vosges. Ce site est situé sur la ligne HT de Fessenheim à Paris.

3 L’ « Usine des Tubes » depuis 1918

(Source Simon Edelblutte)

L’usine dites des Tubes est créée 1916 pour restaurer le potentiel sidérurgique français amputé par la guerre. Elle est inaugurée en 1918. Elle devait être spécialisée dans la production de tubes, mais présente en fait, aux premiers temps de son fonctionnement, un aspect plus hétérogène. En effet, sous la pression des autorités, la Compagnie Générale d’Électricité, principal actionnaire de cette usine, dut entamer, à côté de son usine de tubes, la construction d’une aciérie et de laminoirs, destinés à compenser la perte du potentiel sidérurgique du département du Nord et du Nord de la Lorraine.

D’entreprise métallurgique, les « Tubes de Vincey » devenaient entreprise sidérurgique. Les bâtiments, autour de l’aciérie, sont rectangulaires et très allongés (surtout lorsqu’ils abritent les laminoirs) ont donc une allure plus proche des usines tubulaires que des sheds du textile.

Très vite, dès l’entre deux guerre, fermeture progressive de l’aciérie et des ateliers annexes pour se recentrer sur les tubes. L’aciérie, subit de plein fouet la crise des années 1970 qui entraîne la fermeture du laminoir à chaud, dernier vestige de l’activité sidérurgique de l’usine dont les effectifs passent de 811 personnes en 1976 à 278 en 1986.  Elle devient ainsi plus rentable et connait une expansion très importante durant les Trente Glorieuses sous le nom de Vincey-Bourget avant sa restructuration complète vers des tubes haut de gamme et d’autres constructions soudées, comme des palettes métalliques, des pièces d’échafaudage, des tubes pour canons à neige, etc. Plusieurs bâtiments ont été rasés en 1990. D’autres bâtiments abritent des magasins de stockage entièrement automatisés, ce qui faisait de cette usine une des plus modernes d’Europe, en 1997, dans sa catégorie. Elle comptait 107 employés en 1997.

L’usine passe à Arcelor, puis en 2004 au Condesa (groupe espagnol) qui finalement arrête la production de tubes et laisse sur le site environ 40 salariés sous la raison sociale Axame, pour construction d’armatures de serres, de petits tubes. . En 2017 elle devient ARCELORMITTAL TUBULAR PRODUCTS LEXY.

(Source Collection Delcampe)

https://cartorum.fr/vincey-usines-des-tubes-vincey-293309.html

https://www.image-est.fr/Fiche-documentaire-Usine-des-Tubes-_Vincey_-610-2880-2-0.html

http://www.axame.fr/societe.html

Le projet de transport du futur pour l’usine des Tubes en lien avec l’Université de Lorraine

https://www.francebleu.fr/infos/transports/jour-j-pour-le-projet-de-transport-du-futur-urbanloop-dans-le-grand-nancy-1622101322

Yohann Balkenwitch

Responsable atelier de fabrication

ARCELORMITTAL TUBULAR PRODUCTS LEXY – AXAME site de VINCEY

Les cités de la Centrale et des Tubes

Si les 2 usines laissent une trace directe de plus en plus discrète dans le paysage, elle laisse néanmoins une trace indirecte forte, en raison de la construction de tout en ensemble de logements et de services disséminés sur le territoire de Vincey et de Charmes

Les 3 cités des « Tubes »

L’originalité de ces 3 cités réside dans la séparation géographique des logements des cadres et contremaîtres et des logements des ouvriers. Certes, dans toutes les communes industrialo-urbaines de la vallée, la différence entre les cités des uns et celles des autres est visible dans la taille et la forme des maisons, mais les deux groupes de cités sont très souvent voisins. Ici, ils sont séparés par un peu plus de deux kilomètres !

1 Les « chalets des Tubes »

(Rue Pavillon Vincey Bourget à Vincey)

Ces grosses maisons originales par leur forme haute et assez étroite et par leurs colombages, sont réservées aux cadres et aux contremaîtres ; ils possèdent un vaste jardin, sont disposés d’une façon moins régulière que les cités plus anciennes, et ils occupent une petite partie du vaste espace resté libre entre les cités de la filature et celles de « la Lorraine ».

2 Le quartier des Charmottes (1916/1918)

(Avenue du coteau à Charmes)

Pour les ouvriers, c’est quasiment une nouvelle bourgade qui est créée de toutes pièces, si loin du noyau originel vincéen qu’elle n’est même pas sur la commune de Vincey ! En effet, le quartier des Charmottes prend place sur le territoire de Charmes. Original par sa situation, il l’est aussi par son site, puisque, contrairement à toutes les autres cités vincéennes, les Charmottes ne s’étendent pas dans le fond de vallée, mais sur la même terrasse alluviale que le village originel de Vincey. Ce quartier, bâti en même temps que l’usine entre 1916 et 1918, se compose de 45 maisons assez diverses mais alignées, comprenant deux ou trois logements, et entourées de vastes terrains. Elles sont donc à mi-chemin entre les « cités classiques » et les cités-jardins, modèle qui se diffuse bien en 1916.

L’originalité du quartier est renforcée par la présence, dès l’origine, de quelques services liés à l’éloignement à la fois de Charmes et de Vincey. Un café, une école, une chapelle, un lavoir, le restaurant de l’usine et une coopérative d’alimentation donnent vie à cet ensemble. Trois bâtiments collectifs en forme de H qui abritent, aux côtés de certains de ces services, des logements pour célibataires, complètent le quartier en en faisant une sorte de village-usine intermédiaire entre Charmes et Vincey.

Le propriétaire d’une maison, située 18 avenue du Coteau, loue à la journée, un hébergement touristique composé d’une chambre à 2 couchages et d’un séjour avec canapé convertible 2 couchages :

L’ancien café, mitoyen de l’ancienne chapelle (détruite)

L’ancienne école (devenue salle polyvalente)

L’emplacement de l’ancienne coopérative et de l’ancien logement des célibataires (détruits)

3 La cité des ouvriers des Tubes à Vincey créée en 1950

(Rue de Lorraine à Vincey, le long de la RD 157)

Après la Seconde Guerre Mondiale, il semble que la direction de l’usine accepte plus facilement de rapprocher géographiquement ouvriers et cadres, puisque de nouvelles constructions destinées aux ouvriers prennent place en 1950, le long de la R.N.57, entre les cités de la filature et les cités de la Lorraine. Ces six bâtiments dits « cités des Tubes » abritent 12 logements accolés deux à deux et possédant chacun un jardin. Les maisons sont surélevées sur un RDC réservé au garage et au débarras.

Les Cités de la centrale électrique au quartier « La Lorraine » (1912)

(Rue Gaston Keiling)

La Cie Lorraine d’Electricité construit, en 1912, à proximité de la centrale, entre le canal et la RN 57, 26 cités composées de maisons jumelées à un étage, sur un modèle intermédiaire entre les cités classiques, comme celles de la filature, et les cités-jardins thaonnaises. On y retrouve donc un vaste jardin, mais aussi et surtout l’uniformité et la régularité de l’alignement le long d’une route joignant la centrale à la RN57.

C’est donc un nouveau quartier, dit de « la Lorraine », en référence à la CLE, qui est créé bien loin du cœur de Vincey. Une partie de ces cités a été remplacée par des pavillons et complétée par les collectifs de la Chaude Eau.

En conclusion, selon Simon Edelblutte,  l’urbanisation de Vincey est éclatée en 4 pôles : le vieux village, les cités de la filature,  le quartier de la Lorraine et des Tubes et le quartier des Charmottes (sur le territoire de la ville de Charmes). Cette dispersion des excroissances industrielles contraste avec la volonté initiale, constatée à Thaon, de regrouper villageois et ouvriers, ou avec le bâti de Nomexy encore assez groupé en 1950. Vincey, par la variété de ses industries, par cet éclatement anarchique de l’urbanisation, est un cas particulier et passionnant des paysages de la vallée de la Moselle entre Épinal et Neuves-Maisons.

A l’écluse N°29, au bout de l’ancienne cité,  la rue Gaston Keilling conduit à l’hôtel-restaurant « Relais de Vincey » labellisé « Accueil-vélo »

Culture et loisirs : Le musée militaire

Il est situé dans une partie de l’ancienne filature

https://musee-militaire-de-vincey.business.site/?utm_source=gmb&utm_medium=referral

http://pascal.lener.free.fr/

Les circuits de cyclotourisme de proximité

La boucle du patrimoine N°3 : Les vergers des Vosges

Livret téléchargeable sur le site du Pays d’Epinal

La boucle du patrimoine N°4 : La verrerie de Portieux

Philippe Bonneval

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